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POINT DE VUE SUR LA REVISION DE LA CONSTITUTION DU 20 JANVIER 2002

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Par Claude COELHO, Avocat à la Cour, Ancien Bâtonnier

En prélude à mon avis, qui suscitera de vives réactions et j’en suis conscient, je rappellerai la devise d’un blogueur Congolais :

claude-coelho"Nous sommes le Congo

"Cessons d’avoir peur

"Pour  construire un Etat de droit" 

 Et celle du Pape Jean Paul II

"N’ayez pas peur" 

En effet, nous ne devons pas avoir peur d’exercer notre liberté d’opinion garantie constitutionnellement pour poser les questions relatives à la stabilité de notre jeune démocratie.

En l’espèce, la question de la modification de la Constitution du 20 janvier 2002, se pose après une décennie d’application et, nous devons nous interroger sur l’intangibilité et l’immuabilité de ses dispositions.

Préalablement, il faut indiquer qu’une Constitution, c’est un esprit, des institutions, une pratique.

Il faut aussi rappeler qu’au sens formel, la constitution est un acte juridique concrétisé par un ou plusieurs documents contenant l’ensemble des règles organisant le pouvoir public et les rapports entre eux ainsi que les libertés fondamentales accordées à tout citoyen résidant dans l’Etat concerné.

Cette définition nous enseigne que la Constitution n’est donc pas seulement un moyen d’institutionnaliser le pouvoir, elle est également un moyen de le limiter comme le précise l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen en ces termes "Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminés, n’a point de constitution".

Norme fondamentale, la constitution se doit d’être stable. Mais cette stabilité exclut-elle la possibilité ou limite t-elle la révision constitutionnelle ?

En d’autres termes, les dispositions de la Constitution qui prévoient des limites à la révision constitutionnelle de certaines dispositions peuvent elles être perçues comme des normes juridiques pleinement obligatoires ou comme des "idées" ou des "souhaits politiques" sans force juridique qui ne s’imposent pas à l’exercice du pouvoir de révision constitutionnelle.

Dès lors, peut-on parler d’immuabilité ou d’intangibilité de certaines dispositions constitutionnelles ?

Pour la doctrine, la Constitution ne peut être pérenne qu’à la condition qu’elle admette des adaptations ponctuelles.

En effet, toute Constitution repose sur un contrat  social qu’une société a élaboré à un moment donné pour organiser, d’une part  le pouvoir et, d’autre part les relations entre les personnes publiques et privées.

Or, l’exercice du pouvoir, l’état des relations économiques, politiques, culturelles, sociales dans cette société évoluent. Il importe donc que la Constitution qui en est le reflet évolue.

La constitution doit pouvoir changer afin de ne pas stériliser ni scléroser la société. La mutabilité de la Constitution constitue donc une solution imposée par la sagesse.

Dans ce sens, JJ ROUSSEAU avait fait remarquer "qu’il est contre la nature du corps social d’imposer des lois qu’il ne puisse révoquer".

De même, FRUCHOT a écrit que : "les droits des Nations ont été proclamés en vain si l’on ne reconnaît pas de principe qu’au peuple appartient le pouvoir de rectifier, de modifier la Constitution, de la détruire même, de changer la forme de son Gouvernement et d’en créer un autre".

Cela revient à dire que la thèse selon laquelle il peut y avoir des limites à la révision constitutionnelle est dénuée de toute valeur juridique.

En effet, "chaque génération est indépendante de celle à laquelle elle succède, comme celle-là même l'était de la génération qui l'a précédée. Elle a, comme l'une et l'autre, le droit de se choisir la forme de gouvernement, qu'elle juge le plus favorable à son bonheur, et par conséquent, d'accommoder aux circonstances dans lesquelles elle se trouve placée, les institutions qu'elle a reçues de ses Pères".

En faveur de cette idée, il existe également un fondement juridique tiré de l'article 28 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 24 juin 1793 lequel dispose "qu’un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de réviser sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses Lois les générations futures".

Par conséquent, s’il est constant que les Constitutions sont préparées dans les conditions politiques, sociales à un moment donné, il est non moins constant que les Constitutions aussi doivent s'adapter à ces conditions changées et pour que le système ne soit pas complètement bloqué, la Constitution doit être révisable dans toutes ses parties.

C’est ainsi que la Déclaration de BAMAKO  sur la démocratie, les droits et les libertés adoptée le 3 novembre 2000 en son article C-13 a indiqué : Pour une vie politique apaisée… les textes régissant la vie démocratique d’un pays doivent faire l’objet d’une adaptation et d’une évaluation régulière.

Cette nécessité avait déjà été affirmée par la Charte Africaine des Droits de l’Homme du 26 juin 1981 en son article 20-1 qui dispose que : "… Tout Peuple détermine librement son statut politique … selon la voie qu’il a librement choisi…".

Il apparaît clairement qu’il doit être admis que le pouvoir constituant d'aujourd'hui ne peut lier le pouvoir constituant de l'avenir.

De même, le pouvoir constituant qui s'exerce à un moment donné n'est pas supérieur au pouvoir constituant qui s'exercera dans l'avenir et donc ne peut prétendre le restreindre.

A cet effet pour Georges VEDEL "le pouvoir constituant étant le pouvoir suprême de l'Etat il ne peut être lié même par lui-même" et partant, "Le constituant originaire ne dispose pas de pouvoir de lier le titulaire du pouvoir de révision".

Au regard de ce qui précède, un autre argument à faire valoir pour condamner la valeur juridique de ces limites, réside dans l'illégitimité de mettre des entraves à l'exercice de la Souveraineté du Peuple.

En effet, les limites à la révision constitutionnelle sont inconciliables avec le principe de la souveraineté nationale. Aussi, "s'interdire de modifier sa Constitution serait de la part de la Nation, renoncer à l'élément essentiel de sa Souveraineté".

Cet argument a été réaffirmé par l’auteur précité en ces termes : "Le souverain ne peut se lier lui-même. En vertu de sa Souveraineté, il peut changer à tout moment la norme qui interdit de changer".

Dans le même sens, Julien LAFERRIERE a soutenu que : "juridiquement la Constitution est une Loi ; or, de par sa nature, la Loi est un acte perpétuellement modifiable".

D'après lui "le système des Constitutions rigides doit comporter la possibilité d'entreprendre à tout moment... la révision dont l'opinion publique éprouve la nécessité".

D'ailleurs, comme le remarque Marie-Françoise RIGAUX, "le droit lui-même est conçu comme un ensemble de règles susceptibles de changer : elles peuvent être abrogées, modifiées, elles peuvent être suspendues d'application, faire l'objet de régimes transitoires".

Toujours dans le même ordre d’idée, le principe de logique juridique "non-contradiction" a été invoqué par Paolo BISCARETTI Di RUFFIA, en faveur de cette absence de limites de la révision constitutionnelle.

Selon ce principe "la norme postérieure dans le temps pourrait toujours modifier ou abroger la norme antérieure d'égale efficacité".

Ainsi pour W. BURCKHARDT, la révision constitutionnelle ne peut être liée à aucune règle impérative préétablie et les dispositions relatives à la révision de la Constitution n'ont point la valeur de règles de droit véritables. Pour lui, la Constitution originaire est un res facti et son autorité est purement factuelle.

Par conséquent, il estime que les révisions constitutionnelles ultérieures ne peuvent pas davantage être subordonnées à une règle de droit proprement dit et demeurent nécessairement res facti, non juris. (Sans valeur juridique et lié aux événements).

L’argument essentiel de ce dernier, invoqué pour démontrer le caractère extra juridique des révisions constitutionnelles, est le suivant : "Les fondateurs d'une Constitution quelconque n'ont point qualité pour en réglementer les révisions futures : il leur faudrait, à cet effet, un pouvoir qu'ils ne sauraient se conférer à eux-mêmes".

Partant de ce postulat, celui-ci déclare que : "les prescriptions que renferment une Constitution touchant sa révision éventuelle, présupposeraient, pour être juridiquement obligatoires, l'existence d'un statut supérieur, qui est attribué à l'autorité de qui elles émanent, le pouvoir de régler l'exercice futur de la puissance constituante elle-même :

Or, il n'existe, en dehors et au-dessus de la Constitution à réviser aucun statut suprême, qui ait pu déférer à qui que ce soit ce pouvoir super constituant".

A la lecture de ce qui précède, je peux donc conclure qu’on doit pouvoir modifier en toutes ses parties et dispositions sur le fondement de l’article 28 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, la déclaration de BAMAKO sur la démocratie, les droits et les libertés en son point C 13 et l’article 20 -1 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme, la Constitution du 20 janvier 2002 qui, loin s’en faut, n’est pas un dogme invariable, mais doit pouvoir être adaptée à l’évolution politique et socio économique de la société Congolaise, au risque, d’apparaître comme une œuvre figée à jamais, désincarnée et partant sans prise sur la réalité politique du pays.


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