Déclaration des Organisations de la Société Civile des Droits de l’Homme du Congo sur la Situation des Explosions du 4 mars 2012
I. Scandale judiciaire des citoyens retenus à la maison d’arrêt centrale de Brazzaville sans titre de détention
a) INTRODUCTION
La Convention Nationale des Droits de
L’Homme (La CONADHO) et L’Association pour les Droits de L’Homme et L’Univers Carcéral (ADHUC) sont très préoccupées de la situation des personnes qui étaient détenues préventivement, et
aujourd’hui arbitrairement suite aux événements tragiques du 4 mars 2012.
La République du Congo est membre du conseil des droits de l’homme des Nations Unies et de l’Union Africaine, elle a ratifié plusieurs conventions internationales et régionales relatives aux droits de l’homme des Nations Unies et de l’Union Africaine.
Le préambule de la constitution du 20 janvier 2002 reconnait l’applicabilité des instruments relatifs aux droits humains, ratifiés par le Congo, tels que : le pacte international relatif aux droits civil et politique, la déclaration universelle des droits de l’homme et la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, etc.
Le Président de la République, son Excellence Denis SASSOU NGUESSO dans son ouvrage le manguier, le fleuve et la souris a posé des points d’interrogations suivants dans le chapitre l’engagement (page 16) : quel homme admettrait de voir son pays plongé dans le désordre et la ruine ? Quel homme tolérerait de voir les siens souffrir de conditions de vie de plus en plus précaires, privés des droits démocratiques les plus élémentaires ? Aucun homme digne de ce nom.
Son Excellence le Président de la République a pris l’engagement de restaurer la justice et le respect des droits de l’homme en République du Congo, socle de l’Etat de droit.
b) Détention Préventive des Personnes Interpellées dans les Explosions de MPila du 4 mars 2012
Depuis les événements du 4 mars 2012 dont les conséquences en vie humaines et matérielles ont plongés notre beau pays, la République du Congo dans un deuil national, chaque citoyen s’est senti concerner et toucher au plus profond de son âme.
Dans un Etat qui se veut Etat de droit, il apparut impératif et urgent d’en rechercher des auteurs ou coupables éventuels.
C’est dans cet élan, qu’une commission d’enquête a été mise sur pied.
Déjà à ce niveau, de nombreuses atteintes aux droits de l’homme ont été enregistrées contre les personnes arrêtées, qui ont été brutalisées et agressées à l’exemple du Colonel Marcel NTSOUROU.
A la suite d’une garde à vue arbitraire et des perquisitions illégales pour certains d’entre eux, la procédure s’est retrouvée devant le Procureur de la République qui à son tour a saisi le doyen des juges d’instruction.
Au cours de l’instruction menée à cet effet, plusieurs irrégularités ont été dénoncées, tant devant le doyen des juges d’instruction que devant la chambre d’accusation qui en ait la juridiction du second degré.
La Convention Nationale des Droits de l’Homme (La CONADHO) et l’Association pour les Droits de l’Homme et l’Univers Carcéral (ADHUC) ont constaté que les personnes détenues préventivement suite aux événements tragiques du 4 mars 2012, totaliseraient presque huit (8) mois de détention, dans ce cas, leur détention devient illégale.
En effet, le législateur Congolais a fixé à quatre (4) mois, la durée de la détention préventive, avec possibilité de prolonger la détention préventive de deux (2) mois maximum par une ordonnance que le juge d’instruction doit spécialement motiver.
Comme nous constatons que la liberté est toute à la fois un principe sacré et un droit fondamental, il est stipulé en son article 9 de la constitution du 20 janvier 2002 : "la liberté de la personne humaine est inviolable. Nul ne peut être arbitrairement accusé, arrêté ou détenu. Tout prévenu est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie à la suite d’une procédure lui garantissant les droits de la défense. Tout acte de torture, tout traitement cruel, inhumain ou dégradant sont interdits" ;
La charte africaine des droits de l’homme et des peuples, stipule en ses articles (4 et 6) :
Article 4 :
La personne humaine est inviolable. Tout être humain a droit au respect de la vie et l’intégrité physique et morale de sa personne : nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit.
Article 6 :
Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions préalablement déterminée par la loi ; En particulier nul ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement.
La déclaration universelle des droits de l’homme, stipule en ses articles (5, 8 et 9) :
Article 5 :
Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Article 8 :
Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant, les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi.
Article 9 :
Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé.
L’arrêt rendu par la chambre d’accusation, qui en se déclarant incompétent non seulement a vidé toute sa saisine, mais aussi a rendu caduque tous les actes d’instruction pris dans le cadre de cette procédure, tant par le doyen des juges d’instruction que par la chambre d’accusation elle-même, établi incontestablement que l’arrêt de la chambre d’accusation constitue une rupture entre l’ordre judiciaire du droit commun, et le régime des juridictions spéciales telle que la haute cour de justice compétente en la matière, or, il y a un peu plus de trois semaines que Son Excellence Monsieur le Président de la République a pris un décret nommant les membres de cette dite cour.
Quoiqu’il en soit, la loi n°1-99 du 8 janvier 1999 portant attributions, organisation et fonctionnement de la haute cour de justice, définit en son article premier les différentes catégories des justiciables pour lequel elle est compétente, en ces termes : "la haute cour de justice est compétente pour juger les membres du parlement et du gouvernement à raison des faits qualifiés crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions ainsi que pour juger leurs complices en cas de complot contre la sûreté de l’Etat. Elle est également compétente pour juger le Président de la République en cas de haute trahison".
Nous constatons encore que la saisine de la haute cour de justice est réservée exclusivement au Président du parlement, tel qu’il est dit à l’article 11 de la même loi précitée "le Président du parlement saisit la haute cour de justice par une réquisition notifiée tant au Président de la haute cour de justice qu’au Procureur Général près cette cour. La réquisition contient le texte de la motion d’accusation. Le Président du parlement fait dresser procès-verbaux des notifications".
Nulle part, dans l’arsenal juridique de notre pays, l’action publique ou toute procédure quelconque ne peut être mise en mouvement devant la haute cour de justice à l’initiative du Ministère Public, fût-il parquet de la République, ou parquet Général, à quel niveau que ce soit.
Dans ces conditions, il n’y a aucune autre alternative dans l’état actuel des choses que de libérer tout simplement, et sans condition toutes les personnes détenues arbitrairement à la maison d’arrêt centrale de Brazzaville depuis le prononcé de l’arrêt d’incompétence de la chambre d’accusation.
Malgré la signature du décret n°2012-11-63 du 9 novembre 2012, dont l’objet serait la réorganisation de la haute cour de justice, certainement pris à la va-vite, pour les besoins de la cause.
Qu’à cela ne tienne, les personnes détenues arbitrairement suite aux événements tragiques du 4 mars 2012 (Colonel Marcel NTSOUROU, …) n’entrent aucunement dans l’énumération des justiciables concernés : Président de la République, membres du gouvernement et parlementaires, même mieux l’article 2 du code civil est catégorique : "la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif".
II. Recommandations
La CONADHO et L’ADHUC :
- Exhortent par l’entremise du Ministère de la justice et des droits humains, à corriger cette forme de remise en cause de l’effectivité de l’Etat de droit ;
- Elles invitent au respect des lois et règlements de la République, aux conventions internationales et régionales relatives aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales auxquels le Congo a librement souscrit et qu’il est tenu de respecter ;
- Elles demandent de délivrer naturellement et en toute responsabilité l’ordre de mise en liberté d’office de toutes les personnes détenues arbitrairement suite aux événements tragiques du 4 mars 2012.
Ces deux (2) organisations demandent au gouvernement de la République de s’atteler sur la situation des personnes déplacées interne du 4 mars 2012 et la ratification par le Congo de la convention de l’union africaine sur les personnes déplacées internes en Afrique.
Fait à Brazzaville, le 5 décembre 2012
Président de La CONADHO Président de L’ADHUC
Thomas DJOLANI LOAMBA-MOKE