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LA FORCE SANS LA VIOLENCE 3/3

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LA FORCE SANS LA VIOLENCE 3/3

Gene Sharp

Institution Albert Einstein

TROIS : ÉTAPES
DE LA PLANIFICATION STRATÉGIQUE
DES LUTTES NONVIOLENTES CONTRE DES RÉGIMES D’OPPRESSION

gene sharpLa protestation de non-coopération, et d’intervention perturbatrice de type social, psychologique économique, et politique.

Il s’agit d’une technique qui s’appuie donc sur l’emploi social, économique et politique de l’obstination humaine, c’est-à-dire la détermination et la capacité à être en désaccord, à refuser de coopérer, à défier et à perturber. En d’autres termes, dans le cadre de ce type de lutte, les gens peuvent refuser de faire ce qu’on leur demande ou au contraire faire ce qui leur est interdit.

Pour exister, tous les gouvernements dépendent de la coopération et de l’obéissance de ceuxqu’ils gouvernent. Lorsque les gens décident de restreindre ou de retirer leur coopération à ce pouvoir, les gouvernements se retrouvent privés de toute base sur laquelle appuyer leur domination.

La lutte non-violente a été employée dans différents types de conflits à travers l’Histoire, pour résister à l’oppression, venir à bout de dictatures, s’opposer à une occupation étrangère, défendre des minorités haïes, et étendre les libertés.

Par le passé, de telles luttes ont été souvent organisées de manière intuitive, par un heureux concours de circonstances, dans l’improvisation, et par des gens qui agissaient sans identifier leurs objectifs de manière claire ou sans comprendre ce qui était nécessaire pour les atteindre.

Certaines de ces luttes se sont faites autour d’une planification tactique à court terme, mais très peu ont été organisées par des projets de stratégie globale permettant le développement et la conduite du combat sur un plan supérieur.

À présent, les groupes s’engageant dans la lutte non-violente n’ont plus besoin de réinventer seul leur technique d’action. Par une compréhension plus précise de cette technique, le partage des connaissances acquises dans ce domaine, et l’emploi de la planification stratégique ou à long terme, la lutte non-violente devient de plus en plus efficace.

Éléments
pour la planification stratégique

Voici quelques uns des aspects qui doivent retenir l’attention lorsqu’on organise une lutte non-violente :

Phase I Évaluation initiale et analyse

  • Examiner les enjeux du point de vue des deux parties
  • Préparer une analyse des systèmes culturels, politiques et socio-économiques observables dans la société ou le pays, ainsi que la distribution de la population
  • Préparer une estimation stratégique, c’est-à-dire identifier les forces et faiblesses de chacune des parties présentes dans le conflit. Ceci suppose d’identifier les sources de pouvoir pour chacune des parties en opposition, ainsi que l’identification des institutions qui les sou- tiennent. Il faut également analyser les ressources disponibles ou contrôlées par chacune des parties, observer dans quelle mesure ces deux parties dépendent l’une de l’autre en matière de besoins particuliers, et évaluer la force de combat relative des deux camps
  • Identifier les sources de pouvoir du camp adverse qui seraient susceptibles d’être visées, voire anéanties
  • Identifier et examiner le rôle potentiel que pourraient jouer des parties tierces, extérieures au conflit, y compris la population "non-engagée" au sens large
  • Identifier les autres facteurs externes qui peuvent affecter le cours des choses : la géographie, le temps, le climat, l’infrastructure, etc...
  • Identifier d’autres formes de pressions qui pourraient permettre au groupe résistant d’atteindre les objectifs qu’il s’est fixé
  • Considérer tous les facteurs ci-dessus cités et voir si les conditions actuelles permettent ou non de mener une lutte non-violente dans un laps de temps déterminé. Déterminer aussi, parmi les conditions constatées, lesquelles sont "définitives", lesquelles sont variables et lesquelles dépendent directement de l’action des résistants ou de leurs adversaires.

Phase II
 Mise au point d’une stratégie

  • Définir une stratégie globale pour l’ensemble de la lutte. Identifier les objectifs de la lutte en termes clairs et spécifiques. Prévoir de manière générale l’attitude à adopter pour que la lutte non-violente conduise à ses objectifs. Ceci correspond à la conception large et à long terme de la lutte, permettant de coordonner et de diriger toutes les ressources adéquates disponibles du groupe résistant.
  • L’objectif principal de la lutte peut-il être atteint grâce à une seule campagne d’action ? Si oui, définir la manière d’agir. Sinon, il faudra alors diviser la lutte en étapes prévoyant des campagnes d’action limitées s’attachant à atteindre des objectifs secondaires mais importants.
  • Établir des stratégies permettant de mener des campagnes isolées visant des objectifs plus limités à atteindre tout au long de la lutte. C’est à ce stade que le plan général prévu pour la stratégie globale se détaille afin de définir qui, quoi, où, quand et comment programmer une campagne particulière à l’intérieur du conflit.
  • Choisir des tactiques spécifiques et des méthodes d’action individuelles qui permettront de soutenir la stratégie globale pour laquelle on a opté. Il est très important de choisir attentivement ces tactiques et méthodes à l’intérieur d’un plan stratégique élaboré et seulement après avoir défini une stratégie globale. Les méthodes non-violentes qui peuvent être retenues comprennent la protestation et la persuasion, la non-coopération et l’intervention. Certaines fonctionneront mieux que d’autres selon les situations et surtout selon la stratégie globale choisie, l’objectif général à atteindre, l’estimation stratégique et le résultat escompté de la campagne. Certaines méthodes permettront mieux que d’autres de réduire, voire d’éliminer les sources de pouvoir du régime visé.
  • S’assurer que le plan stratégique adopté est cohérent dans ses objectifs, moyens de pressions qui seront exercées, et méthodes/tactiques choisies.

Phase III Création des capacités

  • S’assurer que la population est en mesure de mettre en œuvre les stratégies choisies pour la lutte. Si ce n’est pas le cas, définir les efforts qui devront être fournis pour renforcer les capacités de la population. Ou si nécessaire, changer les stratégies.
  • Renforcer les organisations et institutions qui ne sont pas sous le contrôle du pouvoir auquel on s’oppose, particulièrement si la stratégie globale qu’on a définie requiert l’utilisation de ces organes indépendants pour la non-coopération et la défiance dans le cadre de la lutte.
  • Prévoir l’aide de tierces parties sans dépendre d’elles.

Phase IV
La lutte elle-même

  • Concentrer les forces des résistants sur les points faibles du pouvoir visé, afin de remporter des victoires définies par la stratégie globale, la stratégie et les méthodes choisies : il s’agit notamment d’atteindre la réduction voire la destruction, des sources de pouvoir du régime en place.
  • S’assurer que le plan stratégique s’applique de manière disciplinée et sans violence, ce qui affaiblirait le camp résistant.
  • S’assurer que les activités de lutte renforcent la capacité des résistants.
  • S’assurer que les résistants ont accès aux ressources critiques.
  • Maintenir l’adversaire dans une situation difficile.
  • Défier la répression menée par l’adversaire mais en s’en tenant toujours aux formes de lutte choisies.
  • Agir plutôt que réagir. Avoir de l’initiative et de l’élévation. La lutte doit être conduite selon les termes que le camp résistant a choisis, et non selon ceux déterminés par l’adversaire.
  • Réévaluer constamment la conduite du conflit en fonction du plan stratégique.

Phase V Conclusion du conflit

Succès, échec ou résultats mitigés ?

Établir un bilan post-conflit et en tirer des prévisions pour l’avenir.

Ce qui précède ne constitue qu’un extrait des remarques fondamentales pour la conduite d’une lutte non-violente.

ANNEXE 1

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GLOSSAIRE
DES TERMES IMPORTANTS DE LA LUTTE NON-VIOLENTE

ABSTENTION CIVILE — terme désignant tout acte de non-coopération politique.

ACCOMMODEMENT — l’un des mécanismes de changement qui peuvent se produire dans le cadre de la lutte non-violente lorsque les adversaires ont choisi, s’il en était encore temps, d’accepter un compromis et d’accéder à certaines des exigences des résistants non-violents. L’accommodement se produit lorsque le régime auquel on s’oppose n’a ni changé d’attitude ni subi de réelle coercition non-violente: le régime estime simplement souhaitable de se mettre d’accord autour d’un compromis.

L’accommodement peut résulter d’actions qui, si elles avaient duré, auraient pu conduire au retournement, à la coercition non-violente, ou à la désintégration du système ou du régime.

ACTION CIVILE — terme synonyme d’action non-violente menée à des fins politiques.

ACTION NON-VIOLENTE — technique générale de pression par protestation, résistance et intervention sans violence physique. Cette forme d’action peut être menée à travers :

des actes d’omission, c’est-à-dire de refus, de la part des résistants, d’accomplir des actes qu’ils exécutent en temps normal, soit parce que cela est habituel soit parce qu’ils y sont contraints par loi ;

des actes commis, c’est-à-dire des actes que les résistants n’exécutent pas en temps normal, soit parce que cela n’est pas habituel, soit parce que la loi ou la règle le leur interdit ; ou

une combinaison des deux. Cette technique comprend une multitude de méthodes spécifiques qui se regroupent en trois catégories principales : la protestation et la persuasion non-violente, la non-coopération, et l’intervention non-violente.

ARMES NON-VIOLENTES — les méthodes propres à l’action non-violente.

AUTORITÉ — qualité qui permet aux jugements, décisions, recommandations et ordres de certains individus ou institutions d’être acceptés, reconnus comme justes et exécutés par d’autres dans l’obéissance ou la coopération. L’autorité est l’un des principaux outils du pouvoir mais n’est pas synonyme de ce dernier.

BLOCAGE ÉCONOMIQUE — arrêt des activités économiques d’une ville, d’une région ou d’un pays, à une échelle suffisamment large pour entraîner une paralysie économique. Les mobiles de ce type d’action sont généralement politiques.

Ce type d’action peut être réalisé au moyen d’une grève générale des travailleurs tandis que le patronat, les institutions d’affaires et commerciales, ainsi que les petits commerçants ferment boutique et cessent leurs activités.

BOYCOTT — Non-coopération sociale, économique ou politique.

COERCITION NON-VIOLENTE — l’un des mécanismes de changement dans le cadre de l’action non-violente, par lequel les exigences des résistants sont obtenues au corps défendant des oppresseurs ; ces derniers ont perdu le contrôle de la situation du fait de la non-coopération et la défiance généralisées des résistants. Les oppresseurs, toutefois, gardent leurs postes officiels et le régime n’a pas encore été désintégré.

COMPÉTENCES ET CONNAISSANCES — l’une des sources de pouvoir politique. Le pouvoir du dirigeant repose sur les compétences et les connaissances des personnes et groupes constituant la société (ressources humaines) et sur le besoin qu’a le dirigeant de ces compétences, connaissances et capacités.

CONFIANCE EN SOI — capacité à gérer ses propres affaires, à former ses propres jugements, et à fournir à soi-même, à son groupe ou à son organisation, indépendance, autodétermination et autosuffisance.

CONVERSION — changement de point de vue de la part de l’adversaire à l’égard des résistants non-violents. Ce changement de point de vue intervient lorsqu’une lutte non-violente a été menée et que le pouvoir considère qu’il est juste d’accepter les conditions des résistants non-violents. Il s’agit là de l’un des quatre mécanismes de changement occasionnés par l’action non-violente.

DÉFIANCE CIVILE — puissant rapport de force non- violent obtenu par des actes de protestation, de résistance ou d’intervention menés à des fins politiques.

DÉFIANCE POLITIQUE — application stratégique de la lutte non-violente afin de démanteler une dictature et de la remplacer par un système démocratique.

Cette forme de résistance par non-coopération et par défiance mobilise les ressources de la population opprimée dans le but de restreindre puis d’anéantir les sources du pouvoir du régime dictatorial. Ces sources sont fournies par les groupes et institutions désignés comme "piliers de soutien" (voir ci-après).

Lorsque la défiance politique est employée avec succès, elle peut rendre la nation ingouvernable par un régime dictatorial actuel ou futur et ainsi pré- server ses institutions démocratiques contre toute nouvelle menace.

DÉSINTÉGRATION — il s’agit du quatrième mécanisme de changement dans la lutte non-violente dans lequel les agresseurs sont non seulement contraints mais leur système et leur gouvernement est désintégré et tombe sous l’effet de la non-coopération et de la défiance massives. Leurs sources de pouvoir sont réduites ou supprimées par la non-coopération à un degré si extrême que le système ou le gouvernement se dissout simplement.

DÉSOBÉISSANCE CIVILE — violation délibérée mais pacifique de lois, décrets, règles, ordonnances, ordres politiques ou militaires, etc.

Il s’agit généralement de lois tenues pour immorales, injustes ou tyranniques. Il arrive cependant parfois que des lois régulières et moralement justes soient violées en signe d’opposition à la politique menée par le gouvernement visé.

GRÈVE CIVILE — arrêt de l’activité économique organisé pour des raisons politiques. Les travailleurs ne sont pas les seuls à pouvoir se mettre en grève, mais les étudiants, travailleurs libéraux, commerçants, cols blancs (y compris les employés du gouvernement) ainsi que les membres de la haute société, peuvent en faire autant.

GRÈVE — réduction ou arrêt de travail délibéré, généralement temporaire, pour exercer des pressions sur les employeurs afin d’obtenir des résultats économiques ou parfois sur un gouvernement afin d’atteindre un objectif politique.

GROUPE DE REVENDICATION — groupe de la population en général, dont les doléances sont les enjeux du conflit et sont défendus par les résistants non- violents.

INSURRECTION NON-VIOLENTE — soulèvement populaire politique dirigé contre un régime établi, tenu pour oppresseur. L’insurrection consiste en l’utilisation massive de non-coopération et de défiance.

INTERVENTION NONVIOLENTE — vaste ensemble de méthodes d’action non-violente qui, lors d’une situation de conflit, permet d’empêcher, par des moyens non-violents, les activités du régime oppressif. Ces méthodes se distinguent à la fois des protestations symboliques et de la non-coopération. L’intervention visant à empêcher est la plupart du temps physique (comme dans un sit-in) mais peut également prendre une forme psychologique, sociale, économique ou politique.

JIU-JITSU POLITIQUE — processus spécifique qui peut être employé au cours d’une lutte non-violente afin de modifier les relations de pouvoir. Le jiu-jitsu politique consiste à retourner contre les oppresseurs la violence qu’ils emploient à l’égard des résistants non-violents, afin d’affaiblir leur situation de pouvoir et de renforcer celle des résistants. Ceci ne peut marcher que lorsque la répression violente est confrontée à une défiance non-violente sans faille (sans violence ni reddition). Dans ces conditions, la violence répressive employée par les oppresseurs a un effet catastrophique.

En conséquence, les parties tierces, les groupes de mécontents et même les alliés des oppresseurs risquent de changer leur point de vue sur la situation. Ces changements d’opinion peuvent occasionner à la fois le retrait de leur soutien au régime oppressif et une plus grande adhésion à la cause des résistants non-violents. Il peut en résulter la condamnation quasi-unanime du régime oppressif, une opposition interne parmi les membres de ce régime, et une résistance accrue. Ces changements peuvent même modifier profondément les rapports de force en faveur du camp non-violent.

Le jiu-jitsu politique ne fonctionne pas dans tous les cas de lutte non-violente. Lorsqu’il n’est pas employé, la modification du rapport de force dépend alors beaucoup de l’étendue de la non-coopération.

LIBERTÉ (POLITIQUE) — situation politique qui rend possible la liberté de choix et d’action pour les individus. Elle permet également aux individus et aux groupes de prendre part aux décisions concernant la conduite de la société et du système politique.

LUTTE NON-VIOLENTE — engagement dans un conflit précis au moyen de formes vigoureuses d’action non-violente, en particulier contre des adversaires déterminés, habiles, et capables de répression.

LUTTE STRATÉGIQUE NONVIOLENTE — il s’agit de la lutte non-violente lorsqu’elle s’applique en fonction d’un plan stratégique élaboré après analyse d’une situation de conflit, des forces et faiblesses des groupes en lutte, de la nature, des possibilités et des besoins requis par et pour la conduite d’une lutte non-violente, et tout particulièrement, des principes stratégiques de ce type de lutte. Voir aussi : stratégie globale, stratégie, tactique et méthode.

MÉCANISMES DU CHANGEMENT — il s’agit des processus à travers lesquels le changement est obtenu lorsque la lutte non-violente atteint son but. Les quatre mécanismes de changement sont la conversion, le compromis, la coercition non-violente et la désintégration.

MÉTHODES — il s’agit des moyens d’action retenus parmi les techniques de lutte non-violente. Il existe près de 200 méthodes spécifiques identifiées et il y’en a sûrement plus. Elles se regroupent en trois catégories : protestation et persuasion non-violente, non- coopération (sociale, économique et politique) et intervention non-violente.

NON-COOPÉRATION — vaste catégorie de méthodes d’action non-violente qui incluent la restriction délibérée, l’interruption, ou le retrait de la coopération sociale, économique ou politique (ou l’association de plusieurs) avec une personne, une activité, une institution, ou un régime considérés comme inacceptables.

Les méthodes de non-coopération comprennent des sous-catégories : la non-coopération sociale, la non-coopération économique (boycotts économiques et grèves du travail) et non-coopération politique.

NON-VIOLENCE (RELIGIEUSE ET ÉTHIQUE) — convictions et comportement de diverses sortes qui interdisent tout acte de violence, pour des raisons religieuses ou éthiques. Dans certains cas, ce n’est pas seulement la violence physique qui est interdite mais également les pensées ou les mots hostiles. Certains mouvements de pensée encouragent de plus à avoir des attitudes et comportements positifs à l’égard de ses ennemis ; certains vont même jusqu’à rejeter la notion d’ennemi. De tels croyants peuvent souvent prendre part à des luttes non-violentes aux côtés de gens qui mènent des luttes non-violentes pour des raisons pragmatiques. Ils peuvent également choisir de ne pas le faire.

PILIERS DE SOUTIEN — ce terme désigne les institutions et sections de la société qui fournissent au régime en place les sources nécessaires au maintien et à l’extension de son pouvoir. Il peut s’agir de la police, des prisons, des forces militaires qui appliquent les sanctions, des autorités religieuses et morales qui donnent au régime son autorité (légitimité), des groupes de travailleurs, des groupes d’affaire et d’investissement qui fournissent les ressources économiques, ou d’autres sources identifiées du pouvoir politique.

POUVOIR POLITIQUE — l’ensemble des influences et pressions disponibles permettant de mettre en œuvre les politiques officielles d’une société. Le pouvoir politique peut être exercé par les institutions gouvernementales ou, en opposition au gouvernement, par des groupes et organisations dissidents. Le pou- voir politique peut être directement appliqué dans le cadre d’un conflit, mais il peut également être mis de côté pour être utilisé plus tard.

PROTESTATION ET PERSUASION NON-VIOLENTES — vaste ensemble de méthodes d’action non-violente. Il s’agit d’actions symboliques visant à exprimer des oppositions ou à tenter de persuader le public (par exemple des veilles, des marches ou des piquets de protestation). Ces actes vont au-delà de l’expression verbale d’opinion mais ne vont pas aussi loin que l’action de non-coopération (telles qu’une grève) et l’intervention non-violente (telle qu’un sit-in).

RÉSISTANCE CIVILE — synonyme de résistance non- violente avec un objectif politique.

RESSOURCES HUMAINES — terme employé ici pour indiquer toutes les personnes et groupes qui obéissent aux "dirigeants" (c’est-à-dire le groupe qui dirige l’État), coopèrent avec eux ou les aident à satisfaire leur volonté. L’évaluation des ressources humaines implique de connaître la proportion de ces personnes et groupes par rapport à la population totale, ainsi que l’étendue, la forme et l’indépendance de leurs organisations.

Le pouvoir d’un dirigeant dépend de la disponibilité de ces ressources humaines, qui constituent dès lors l’une des diverses sources de pouvoir.

RESSOURCES MATERIELLES — il s’agit là d’une autre source de pouvoir politique. Le terme renvoie aux notions de propriété, de ressources naturelles, de ressources financières, de système économique, de moyens de communication et de modes de transport. Le degré de contrôle qu’en a la classe dirigeante aide à cerner l’étendue et les limites de son pouvoir.

SANCTIONS — punitions ou représailles, violentes ou non-violentes, imposées soit parce que la population n’a pas réussi à agir de la manière escomptée ou espérée, soit parce que la population a agi d’une manière inattendue ou interdite.

Les sanctions non-violentes ne sont générale- ment pas, contrairement aux sanctions violentes, de simples représailles pour désobéissance mais visent plutôt un objectif précis. Les sanctions représentent une source de pouvoir politique.

SOURCES DU POUVOIR — elles sont à l’origine d’un pouvoir politique. Elles comprennent l’autorité, les ressources humaines, les compétences et les connaissances, les facteurs intangibles, les ressources matérielles et les sanctions. Elles proviennent de la société. Chacune de ces sources est étroitement dépendante de l’acceptation, de la coopération et de l’obéissance de la population et des institutions de la société. Lorsque le dirigeant a à sa disposition ces sources de pouvoir, il est puissant. Mais si ces sources de pouvoir s’affaiblissent ou se tarissent, la puissance du dirigeant s’affaiblira ou s’effondrera.

STRATÉGIE GLOBALE — la manière la plus générale de concevoir la réalisation d’un objectif dans le cadre d’une lutte, en définissant un certain type d’action. La stratégie générale sert à coordonner et diriger toutes les ressources appropriées et disponibles (humaines, politiques, économiques, morales, etc.) en vue d’atteindre ses buts dans un conflit.

D’autres stratégies plus limitées peuvent être appliquées à l’intérieur de la stratégie globale afin de réaliser des objectifs plus mineurs dans le cadre de phases subordonnées de la lutte générale.

STRATÉGIE — un plan permettant la conduite d’une phase ou d’une campagne importante, dans le cadre d’une stratégie globale. Une stratégie consiste à définir fondamentalement comment mener la lutte dans une campagne spécifique, et comment ses différentes étapes doivent être organisées ensemble afin de contribuer le plus efficacement possible à la réalisation des objectifs visés.

La stratégie opère à l’intérieur de la stratégie générale. Les tactiques et méthodes spécifiques d’action s’emploient pour des opérations à plus petite échelle qui engagent la stratégie sur une campagne spécifique.

TACTIQUE — plan d’action limité dont l’objectif est, dans une phase brève du conflit, d’employer de la manière la plus efficace possible les moyens d’action disponibles, afin d’atteindre un objectif spécifique et limité. Les tactiques sont utilisées au service d’une stratégie plus large, elle-même située dans l’une des phases du conflit global.

VIOLENCE — violence physique exercée contre d’autres êtres humains qui entraîne des blessures ou la mort, ou les menaces d’employer une telle violence, ou tout acte relié à de telles attitudes ou menaces.

Certains courants religieux ou éthique de la non-violence considèrent que le terme de violence recouvre une réalité beaucoup plus large. Cette définition plus étroite pour laquelle nous optons n’empêche pas les membres de ces courants religieux ou éthiques de travailler avec des personnes ou des groupes pratiquant la lutte non-violente sur des bases plus pragmatiques.

ANNEXE 2

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LES MÉTHODES DE L’ACTION NON-VIOLENTE

MÉTHODES DE PROTESTATION ET DE PERSUASION NON-VIOLENTE

Déclarations formelles

1. Discours publics.
2. Lettres d’opposition ou de soutien.
3. Déclarations des organisations ou institutions. 4. Déclarations publiques signées.
5. Déclarations d’intention et réquisitoires.
6. Pétitions de groupe ou de masse.

Communications à de larges audiences

7. Slogans, caricatures, et symboles.
8. Bannières, affiches, et communications visuelles. 9. Tracts, pamphlets, et livres.
10. Journaux et revues.
11. Enregistrements, radio et télévision.
12. Publicité aérienne et écriture au sol.

Représentations de groupe

13. Délégations.
14. Prix satiriques.
15. Groupes de pression. 16. Piquets de grève.
17. Simulacre d’élections.

Actes publics symboliques

18. Exhibition de drapeaux et de couleurs symboliques.

19. Port de symboles.
20. Prières et cultes.
21. Livraison d’objets symboliques.
22. Protestations dénudées.
23. Destruction de ses propres possessions. 24. Lumières symboliques.
25. Exhibition de portraits.
26. Peinture de protestation.
27. Nouveaux signes et dénominations.
28. Sons symboliques.
29. Réclamations symboliques.
30. Gestes grossiers.

Pressions sur les individus

31. "Visites" récurrentes à des fonctionnaires. 32. Provocation de fonctionnaires.
33. Fraternisation.
34. Veilles.

Théâtre et musique

35. Satires et farces humoristiques.
36. Exécution de pièces de théâtre et de musique. 37. Exécution de chants.

Processions

38. Marches.
39. Parades.
40. Processions religieuses. 41. Pèlerinages.
42. Défilés de voitures.

Commémoration des morts

43. Deuil politique.44. Fausses funérailles.
45. Funérailles avec manifestation. 46. Hommage sur une tombe.

Rassemblements publics

47. Assemblées de protestation ou de soutien. 48. Meetings de protestation.
49. Réunions secrètes de protestation.
50. Séances d’enseignement ou de formation.

Retrait et renonciation

51. Départ groupé en signe de réprobation. 52. Silence.
53. Renoncement aux honneurs.
54. "Tourner le dos".

MÉTHODES DE NON-COOPÉRATION

Non-coopération sociale

Ostracisme de personnes

55. Boycott social.
56. Boycott social sélectif.
57. Grève du sexe.8
58. Excommunication.
59. Interdiction d’activité religieuse.

Non-coopération avec évènements, coutumes et institutions sociales


60. Suspension d’activités sociales et sportives. 61. Boycott d’activités sociales.62. Grèves d’étudiants.
63. Désobéissance sociale.
64. Démission d’institutions sociales.

Retrait du système social

65. Opération ville morte (ou rester chez soi). 66. Non-coopération personnelle totale.
67. Fuite de travailleurs.
68. Refuge dans un sanctuaire. 69. Disparition collective.
70. Emigration de protestation.

Non-coopération économique : boycotts économiques

Action par les consommateurs

71. Boycott par les consommateurs.
72. Non-utilisation de biens boycottés.
73. Régime de restriction.
74. Refus de payer les locations.
75. Refus de prendre en location.
76. Boycott national de consommateurs.
77. Boycott international de consommateurs.

Action des travailleurs et producteurs

78. Boycott par les travailleurs.
79. Boycott par les producteurs (refus de vendre).

Action des intermédiaires

80. Boycott par les fournisseurs et grossistes.

Action des propriétaires et dirigeants

81. Boycott par les commerçants.

82. Refus de mettre en location ou de vendre les propriétés.

83. Renvoi du personnel (lockout).
84. Refus d’assistance industrielle. 85. Grève générale des commerçants.

Action des possesseurs
des ressources financières


86. Retrait des dépôts bancaires.
87. Refus de payer des frais, droits et taxes. 88. Refus de payer les dettes ou les intérêts. 89. Rupture de fonds et de crédit.
90. Refus de déclaration de revenus.
91. Refus de la monnaie du gouvernement.

Action des gouvernements

92. Embargo domestique (intérieur).
93. Liste noire de commerçants.
94. Embargo international sur les ventes. 95. Embargo international sur les achats. 96. Embargo international du commerce.

Non-coopération économique : la grève

Grèves symboliques

97. Grève d’avertissement. 98. Grève éclair.

Grèves agricoles

99. Grèves des agriculteurs.
100. Grève des ouvriers agricoles.

Grèves de groupes particuliers

101. Refus de travail forcé. 102. Grève des prisonniers. 103. Grève des artisans. 104. Grève professionnelle.

Grève industrielle ordinaire

105. Grève d’établissement.
106. Grève d’un secteur industriel. 107. Grève de soutien.

Grèves restreintes

108. Grève progressive.109. Grève focalisée.
110. Travail au ralenti.
111. Grève du zèle.
112. Grève par "maladie".
113. Grève par démissions successives. 114. Grève limitée.115. Grève sélective.

Grèves multi industrie

116. Grève généralisée (à un secteur de l’économie).
117. Grève générale.

Combinaison de grèves et de fermetures économiques

118. Ville morte (hartal).
119. Cessation d’activité économique.

Non-coopération politique

Rejet de l’autorité

120. Suppression ou rejet d’allégeance.
121. Refus du soutien public.
122. Littérature et discours en faveur de la résistance.

Non-coopération des citoyens avec le gouvernement

123. Boycott des corps législatifs. 124. Boycott des élections. 125. Boycott des emplois et situations au gouvernement. 126. Boycott des organismes gouvernementaux. 127. Retrait des institutions d’éducation gouvernementales. 128. Boycott des organisations soutenues par le gouvernement. 129. Refus d’assistance aux agents de la force publique.130. Enlèvement de ses propres signes et repères. 131. Refus de recevoir des officiels. 132. Refus de dissoudre des institutions existantes.

Alternatives citoyennes à l’obéissance

133. Docilité réticente et lente.
134. Non-obéissance en absence de contrôle direct. 135. Non-obéissance populaire.
136. Désobéissance déguisée.
137. Refus de dispersion d’un rassemblement ou d’un meeting.
138. Protestation assise (sitdown).
139. Non-coopération avec la conscription et ladéportation.
140. Caches, fuites et fausses identités.
141. Désobéissance civile à des lois "illégitimes".

Action du personnel gouvernemental

142. Refus sélectif d’aides gouvernementales. 143. Blocage de lignes de commandement ou d’information.

144. Retard et obstruction.
145. Non-coopération administrative générale 146. Non-coopération judiciaire.
147. Inefficacité délibérée et non-coopération sélective des agents de la force publique. 148. Mutinerie.

Action à l’intérieur du gouvernement

149. Evasions quasi légales et reports de tâches. 150. Non-coopération par des unités gouverne- mentales constituées.

International governmental action

151. Changements dans les représentations, diplomatiques et autres. 152. Retard et annulation d’événements diplomatiques. 153. Cessation de reconnaissance diplomatique. 154. Rupture de relations diplomatiques. 155. Retrait d’organisations internationales. 156. Refus d’adhésion à des organismes internationaux.
157. Expulsion d’organisations internationales.

LES MÉTHODES D’INTERVENTION NON-VIOLENTE

Intervention psychologique

158. Exposition volontaire aux éléments. 159. Jeûne.

(a) Jeûne de pression morale. (b) Grève de la faim limitée. (c) Grève de la faim illimitée.

160. Renversement de procès. 161. Harcèlement non-violent.

Intervention Physique

162. Sit-in.
163. Occupation d’espace debout.
164. Occupation à cheval, à vélo, en voiture, etc. 165. Occupation d’un lieu interdit.
166. Occupation bourdonnante.
167. Occupation avec prières (pour forcer à...). 168. Raids non-violents.
169. Raids aériens non-violents.
170. Invasion non-violente.
171. Interposition non-violente.
172. Obstruction non-violente.
173. Occupation non-violente.

Intervention sociale

174. Établissement de nouveaux modèles sociaux. 175. Sur-chargement ou engorgement de services. 176. Achats au ralenti.
177. Interventions orales en public. 178. Théâtre de guérilla.
179. Institutions sociales alternatives.
180. Système alternatif de communication.

Intervention économique

181. Grève inversée par excès de travail.
182. Grève sur le tas.
183. Prise de contrôle non-violente d’un terrain. 184. Défiance d’une restriction ou d’un blocus. 185. Contrefaçon politiquement motivée.
186. Achat préventif de produits stratégiques. 187. Saisie d’actifs.
188. Dumping (vente massive à bas prix).
189. Soutien sélectif de produits ou de marques... 190. Marchés alternatifs.
191. Systèmes alternatifs de transport.
192. Institutions économiques alternatives.

Intervention Politique

193. Surcharge de systèmes administratifs. 194. Révélation d’identité d’agents secrets. 195. Recherche d’emprisonnement.
196. Désobéissance civile à des lois anodines. 197. Participation sans collaboration.

198. Double pouvoir et gouvernement parallèle.

Évidemment, beaucoup d’autres méthodes ont déjà été utilisées mais n’ont pas été classées. De même, une multitude d’autres méthodes seront encore inventées dans le futur qui auront les caractéristiques des trois classes de méthodes: Protestation et persuasion non-violente, non-coopération, et intervention non- violente.

Il faut bien comprendre que la meilleure efficacité sera obtenue si la méthode est choisie en fonction d’une stratégie préalablement adoptée. Il est nécessaire de connaître le genre de pression qu’on veut exercer avant de choisir la forme d’action précise qui exercera cette pression.


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