Dynamiser l'Economie du Congo Brazzaville
Par Ange Marie MALANDA
Le passage d’une économie rentière à une économie développée
supposerait que nous ayons modifié les relations avec nos maîtres d’hier. Ce changement se manifesterait par une nouvelle orientation des capitaux étrangers. Il s’agirait d’orienter les capitaux
vers les secteurs produisant pour le marché intérieur.
Sachant que les financiers centraux ne voudront point apporter les capitaux en faveur des petites et moyennes organisations nationales ; il est alors nécessaire que la puissance publique puisse prendre des mesures audacieuses pour protéger et promouvoir l’éclosion d’une nouvelle classe d’entrepreneurs nationaux ou qu’elle mette sur pied des institutions capables de veiller à la promotion de l’accumulation interne (Nationale) du capital.
La création au sein du Ministère de l’Industrie d’une structure chargée du secteur privé national va dans le bon sens, il serait donc question de favoriser les petites et moyennes organisations au lieu de faire place aux industries à forte consommation de capitaux qui viendront encore accentuer notre dépendance économique vis-à-vis de nos maitres d’hier.
Il faut des dispositifs qui permettraient de restreindre le rapatriement des bénéfices à l’étranger, de juguler les transferts de capitaux, de maîtriser les flux financiers qui entraineraient la constitution de l’épargne en vue d’investir dans les domaines que nous aurions préalablement identifié.
L’Etat dans son rôle de pilote de l’activité économique et sociale mettrait en place les mécanismes capables de favoriser la formation brute du capital fixe en liquidant les entraves à la bonne marche des affaires. Dans tous les cas, c’est l’Etat qui organise l’univers économique national par ses choix en élaborant un programme d’incitation à l’initiative privée, accordant des mesures favorables à l’investissement privé et en apportant le financement nécessaires à ce dernier en s’appuyant sur la sélectivité.
Au lieu de soutenir, celui qui va investir dans un night club, l’Etat soutiendrait celui qui va installer une unité de production produisant le jus de fruits, la patte de tomate, la conservation des denrées alimentaires (fumages, séchages, chaines iso thermiques…) ou transformation des produits sur place (le bois en meubles, tables bancs ou papier etc…) en lui faisant bénéficier des exonérations fiscales, en lui octroyant des crédits à des taux préférentiels et en lui garantissant l’accès au marché national en faisant en sorte que la commande publique puisse absorber ces biens fabriqués par les nationaux ; par contre, ceux qui orienteraient leurs investissements dans le divertissement ou l’importation seront sévèrement taxés.
On n’ignore point que sans un effort d’assainissement de finances publiques, notre pays le Congo dit Brazzaville connaît une forte capacité de financement grâce à l’augmentation des cours des produits de base, cela ne nous empêche pas de jouer la carte du sérieux dans la gestion des deniers publics.
La croissance de notre produit intérieur brut (PIB) n’est pas dû à la qualité de nos investissements ou à une vrai accumulation interne, elle provient simplement de la hausse des prix des matières premières et aussi parce qu’on extraie et exporte plus de pétrole au Congo Brazzaville faisant le bonheur des grands majors pétroliers. C’est donc une croissance creuse, elle n’est pas soutenue cette croissance que connaît notre pays. D’où elle est creuse.
Il faut dès lors investir dans le secteur productif en donnant aux Congolaises et Congolais les moyens de s’enrichir par le travail en exploitant méthodiquement nos ressources naturelles.
Chez les Koweitiens, les Thaïlandais, et mêmes dans certains pays d’Asie, si vous n’êtes pas associé à un ressortissant du pays, vous ne pouvez pas faire les affaires ; cela doit inspirer nos gouvernants. Donnons donc la priorité aux Congolaises et Congolais d’accumuler les capitaux par le travail productif.
En reprenant en main le secteur productif, nous pourrions diminuer notre propension à importer, faire émerger une classe d’entrepreneurs nationaux, enrichir nos producteurs et créer des emplois en faveur de notre jeunesse qui verra son cadre de vie s’améliorer et cesserait de rêver à l’exil ou la tombe en occident parce qu’elle se sent abandonnée. Elle est dans le désœuvrement. Voilà pourquoi, il faut insérer cette jeunesse dans l’appareil productif en faisant en sorte qu’elle soit impliquée dans le processus de développement par le travail, la formation professionnelle et la création.
Ayant perpétué l’économie de traite, celle de la période coloniale, on constate que la majorité de la population, des travailleurs, employés et cadres, c'est-à-dire les acteurs de la production sont dans une situation de subordination et de d’aliénation face aux multinationales, ce n’est pas Anicet ETOTO qui va nous dire le contraire.
Nous sommes conscients que le processus d’accumulation internes n’est pas facile à entamer. Il revient aux pouvoirs publics de promouvoir sans plus tarder un développement intégral. On se doit de corriger notre politique monétaire, si celle-ci existe et nous devons réglementer nos échanges, les mouvements de marchandises et les capitaux avec le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du sud, du coté des pays émergents, mais aussi avec la France, l’Union Européenne, le Japon et la Corée du sud, car dans ces échanges, nous sommes perdants puisque le solde est largement déficitaire pour le Congo Brazzaville.
Avec la manne pétrolière que perçoit notre pays, c’est à l’Etat qu’il incombe d’engager une vaste politique d’investissements soutenue par les entrepreneurs nationaux, dans les infrastructures physiques, dans le capital humain, dans le quotidien (eau potable, électricité, soin de santé), dans la création des entreprises, dans la recherche scientifique et technique.
Cette politique doit sans cesse consolider notre indépendance nationale et reposer sur l’accumulation interne et non pas par le recours aux capitaux extérieurs qui finiraient par nous maintenir dans la dépendance. L’accumulation nationale est un préalable, puisqu’elle vise à créer des emplois, à augmenter le revenu national, à le redistribuer et à consolider le pouvoir d’achat de nos concitoyennes et citoyennes en sortant de notre misère endémique.
Même si la Chine injecte des flux de capitaux dans l’économie Congolaise, tant que nous ne prendrons pas en main, nous même notre économie, nous nous enfoncerons dans la précarisation, la paupérisation, et la subordination.
Dans le cadre de sa politique de reconquête de l’arrière pays, les ruraux doivent bénéficier d’une attention particulière, puisque nos zones rurales sont des pôles de développement en réserves, puisqu’elles sont potentiellement source d’accumulation nationale, si nous nous engageons à créer sur place des unités de production, au lieu de nous limiter comme nous le voyons, à la municipalisation accélérée qui consiste elle-même à la construction d’un palais présidentiel dans lequel, le chef de l’Etat ne passerait probablement pas une nuit, à l’édification d’un aéroport et à la réalisation d’un stade de sept mille places ; pendant que les jeunes ont besoin d’exercer une activité rémunératrice, qui leur permet de couvrir les besoins qui sont les leurs.
Ainsi, on peut penser à relancer les grandes plantations vivrières et commerciales, les moyennes industries de transformation (conservation), les canaux de distribution, institutions de crédits et d’épargne etc ; sous la férule du conseil municipal ou départemental.
Les communautés villageoises doivent être érigées en véritables collectivités territoriales dotées des prérogatives étendues tant du point de vue politique qu’économique, dans le choix de leurs dirigeants et de leurs options économiques et sociales, tout en faisant en sorte que l’Etat (Administration centrale) puisse assurer l’encadrement, la formation et la mise en place des moyens matériels et financiers pour l’édification équilibrée et harmonieuse de notre pays.
Au-delà de l’extraction pétrolière sur laquelle, nous avons fondé nos espoirs de développement, on doit reconnaître qu’en Afrique, la dynamique du développement est d’origine rurale, d’où nécessité de défendre, de protéger et d’améliorer quotidiennement le cadre de vie des ruraux, et particulièrement de ceux qui produisent.
Malgré l’augmentation récente des traitement des fonctionnaires le pouvoir d’achat de ces derniers régresse, il y a que les Ministres au Congo Brazzaville, qui ont vu leur pouvoir d’achat s’améliorer exponentiellement, la plupart des travailleurs, employés, techniciens, fonctionnaires et cadres ne cessent d’assister à l’érosion de leur salaire réel (pouvoir d’achat) même si, au lendemain de la saint Sylvestre, le président a annoncé que le SMIC est désormais à 90 000 CFA (soit moins de 150 €), quand, celui d’un Ministre d’Etat est de 22 000€, ces Ministres d’Etat gagnent plus que François HOLLANDE, président de la cinquième puissance économique mondiale, même Nicolas SARKOZY malgré la hausse à plus de 100% de son traitement de président n’avait pas un salaire dépassant les 20 000€ ; peut on dire que ce gouvernement du Président du Congo se soucie t-il du fier et vaillant peuple ?
Quand on voit plus de 50% des bras valides dans le désœuvrement. Au-delà de l’augmentation du salaire nominal, on doit reconnaître, comme nous l’avons susmentionné, chaque jour, le salaire réel des fonctionnaires régresse. Comment dire que le gouvernement actuel est capable d’imposer une vraie politique d’accumulation interne en permettant à la majorité de nos concitoyens de sortir de la misère.
Il ne s’agit pas d’augmenter les salaires nominaux de 60 ou 100%, il faut surtout augmenter le salaire réel des Congolais ; l’Etat a les moyens de le faire et c’est son rôle, il peut soit jouer sur la fiscalisation en réduisant le taux de la TVA, baisser les frais de douanes ou même imposer une réduction de prix par des injonctions administratives ; oui les cadres véreux du Ministères du Commerce, de douanes ou autres administrations en charge de faire appliquer les mesures gouvernementales ont souvent tendance à saborder ces mesures ; en ce moment là ; il ne faut pas hésiter de sanctionner sévèrement ces brebis galeuses en les embastillant et en confisquant leurs biens, même quand ils utilisent les prêtes noms.
Après sa réélection en 2009, le président de la République a pris l’initiative de créer en République du Congo, un Ministère du portefeuille d’Etat, il faut lui (à ce Ministère) donner un contenu en créant, en stimulant et soutenant les entreprises publiques, parapubliques et même mixte qui doivent être dynamiques, rentables et surtout bien gérées, c’est dans ce sens qu’il faut créer une banque nationale de développement de l’entreprise privée nationale, en lui apportant une somme de 25 milliards de CFA dans le cadre d’une dotation initiale en vue qu’elle apporte son concours financiers aux petites et moyennes organisations (P.M.O.) pas en octroyant de l’argent liquide, mais en apportant l’équipement et en contrôlant ces Petites et Moyennes Organisations (P.M.O.) jusqu’à ce qu’elles restituent l’argent emprunté ; si pour l’organisation du Festival Panafricain de Musique, l’Etat peut apporter 45 milliards de CFA, pourquoi pour la création d’un tissu économique diversifié et densifié, ne ferait il pas ainsi ?
L’accumulation doit être promue par l’Etat, qui s’engagerait à soutenir les promoteurs économiques locaux en les incitant à faire du profit et à se lancer dans la politique de substitution aux importations en reprenant à bras le corps le secteur productif. La politique monétaire conduite favoriserait le développement endogène.
On ne pourrait ignorer de favoriser le développement de nos régions en mettant fin à l’exode rural, puisque le développement fixera sur place la main d’œuvre locale, qui avec les structures sociales (santé, écoles, eau potable, électricité, centre de planification infantile et maternelle...) impacteraient positivement le niveau de vie des populations. Tout dépendra de l’implantation des investissements et la création des structures productives (exploitations agricoles, fabrique de sertissage, conservation et canaux de distribution) en mettant l’accent sur les petites et moyennes organisations de transformation sur place.
Avant de vouloir attirer les capitaux des pays émergents ou des pays du golf persique, la puissance publique doit promouvoir le secteur privé national. Ce secteur appuyé par l’Etat peut servir de moteur à la relance économique au Congo et participer à la lutte contre la pauvreté.
Le programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) esquissait cinq solutions pour que nous puissions promouvoir le secteur privé :
1) La volonté politique : elle doit se traduire par un engagement et un appui sans équivoque du gouvernement aux reformes et à l’amélioration de l’environnement du secteur privé. Cela suppose, qu’il y ait une forte volonté politique au plus haut niveau et s’exprime de manière à être appliquée et comprise par tous les fonctionnaires.
2) L’implication du gouvernement et non d’un seul Ministre dans l’élaboration et la mise en œuvre des reformes. Une structure pluridisciplinaire placée au niveau décisionnel important, qui assurera les arbitrages, depuis le cabinet du chef de l’Etat. Un comité de pilotage des reformes de l’environnement de l’entreprise privée composé des personnes compétentes et représentatives des groupes d’intérêt concernés.
3) L’organisation d’un forum du secteur privé. Ces assises visent à travers la participation aux échanges de tous les partenaires sociaux à dégager un consensus sur le bien fondé du développement économique qui considère l’entreprise comme la locomotive de l’économie.
4) Le renforcement des institutions d’appui au secteur privé : on pense ici aux institutions comme la chambre de commerce. Celle-ci peut élargir sa mission et couvrir l’artisanat. Au-delà de la chambre de commerce, on pourrait renforcer les capacités opérationnelles des associations professionnelles, des cabinets conseils en management dans leurs rôles de formation, d’encadrement et d’appui.
5) La poursuite et le renforcement du processus démocratique. C’est un aspect important de la gouvernance, puisqu’elle garantie l’alternance du pouvoir et le contre poids politique. Ici dans le secteur privé, la démocratie doit s’étendre à toutes les instances de sorte que les dirigeants soient élus. Le rapport souligne "la peur de perdre le pouvoir est susceptible d’amener les dirigeants à plus de rigueur tandis que la perspective de devoir profiter d’un bilan positif pour conserver le pouvoir est susceptible d’impulser le plus d’hardiesse et de volonté dans la prise de décisions de politique économique surtout celle qui concerne le développement du secteur privé".
Après avoir pris en compte les solutions préconisées par le PNUD, nous devons dire que la puissance publique dans sa volonté d’accroitre le revenu, de résorber le chômage massif des jeunes et l’amélioration de la qualité de vie des filles et fils du Congo Brazzaville doit aussi créer, stimuler et soutenir des structures publiques, parapubliques et privées en vue de l’accumulation interne du capital.
Le capital nécessaire pour favoriser l’émergence est l’exploitation des nos ressources
naturelles, notamment l’agriculture qui doit être la priorité des priorités, la bonne utilisation des hommes, la construction des infrastructures sociales, physiques (électrification avec son
effet multiplicateur, adduction d’eau potable, réseaux de communication etc…) et la dynamisation des forces productives permettront à notre pays de sortir de sa dépendance.